SCARLETT JESUS
Pour une critique d'art sensible
La posture de critique d’art qui est la mienne ne saurait donc se confondre avec celle du journaliste, ni avec celle de l’historien d’art ou même avec celle d’un théoricien. Mon écriture ne rend pas, non plus, compte des propos que l’artiste pourrait lui-même tenir sur sa création. Elle peut l’éclairer parfois, elle peut aussi le surprendre, voire même le dérouter, suscitant à son tour de nouveaux questionnements. Et en ce sens, il s’agit bien pour le critique d’établir un dialogue avec l’artiste. Un dialogue entre la création et sa réception –plurielle si possible-, puis entre cette réception et de nouvelles créations. Selon une esthétique qui, superposant les strates, relève du palimpseste. Ou encore du pli, cher à DELEUZE.
MA BIOGRAPHIE
Agrégée de Lettres, je vis en Guadeloupe depuis 1979. Je suis critique d'art, membre d'AICAsc (Association Internationale des critiques d'Art du sud Caraïbe) et membre également, depuis 1995, du CEREAP (Centre d'Etudes et de Recherches en Esthétique) dirigé par Dominique Berthet, en lien avec le CRILLASH (Centre de Recherches interdisciplinaires en Lettres, Langues, Arts et Sciences humaines de l'Université des Antilles). Je publie dans la Revue du CEREAP Recherches en Esthétique, sur le site d'AICAsc ainsi que sur celui de Madinin'Art. Mes interventions au sein des différents Colloques du CEREAp paraissent aux éditions l'Harmattan.
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TROUBLES FACE AU CORPS DE L'HOMME NOIR
Toute œuvre d’art est, par définition, une fiction, une « tromperie ». A l’image de la Poésie, elle permet de dire des vérités dérangeantes, mais de façon métaphorique, en se présentant sous couvert d’un déguisement, comme un récit imaginaire, une « fabula ». A la Renaissance, alors que des hommes et de femmes sont mis à mort pour avoir exprimé ce qu’ils pensaient ou croyaient, Ronsard nous donne une clé permettant de s’exprimer librement, de façon biaisée. Il prétendit qu’une Nymphe…
« M'apprit la poésie, et me montra comment
On doit feindre et cacher les fables proprement,
Et à bien déguiser la vérité des choses
D'un fabuleux manteau dont elles sont encloses »
La Fontaine ne dira pas autre chose, évoquant le « plaisir extrême » que lui procure le conte de « Peau d’Âne ». Un plaisir trouble, puisque le récit met en scène une héroïne revêtue d’une « peau de bête », tout en évoquant de façon voilée un interdit majeur, l’inceste. Un artiste contemporain ne pourrait-il pas, en parodiant le fabuliste, évoquer le plaisir paradoxal éprouvé face à la représentation d’une figure souffrante et nous confier :
« Si Sébastien m'était montré,
J'y prendrais un plaisir extrême… » ?
C’est exactement cette expérience que nous conte l’écrivain japonais, Yukio Mishima, dans son roman autobiographique Confession d’un masque. Son récit évoque comment l’orgasme éprouvé devant le Saint-Sébastien de Guido Reni lui fit prendre conscience de son homosexualité. Conscient du trouble érotique ressenti devant ce corps nu percé de flèches, il fit un lien entre cette représentation stéréotypée d’un martyre et son attirance pour le sado masochisme. Cette fascination le conduira à poser, dans une posture identique à celle du saint, devant le photographe Kishin Shinoyama, en 1966.... (à lire dans le N° 26 de Recherches en Esthétique, lien ci-dessous)
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